Interview with Catherine Rémy

Partie 1 : présentation personnelle

• Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer en quoi consiste votre travail ? 

Je travaille pour Total, je suis ici pour développer un champ de gaz offshore que nous avons en Terre de feu dans le sud de l’Argentine, dans l’océan Atlantique. Développer un champ qu’est ce que ça veut dire, cela veut dire dessiner une plateforme, la construire puis l’installer, c’est un projet qui va durer environ 3 ans, cela fait un an que je suis là, j’ai fait des études d’ingénieur généraliste, j’ai fait une math sup math spé puis l’école polytechnique à Paris, ensuite j’ai fait 2 ans d’école d’application à l’étranger en Californie à Berkeley.

Je venais de terminer un poste au Nigéria, Total m’a proposé ce nouveau projet en Argentine, et j’ai dit Banco !

• D’où vous est venue l’idée d’étudier l’ingénierie ? 

Avant de me lancer dans les études scientifiques, je ne savais pas très bien en quoi consistait le métier d’ingénieur. Les maths ça marchait bien, le français j’avais beau bosser j’avais un peu de mal, j’ai tenté la prépa et advienne que pourra !

Mes parents ne m’ont pas poussée pour faire une prépa mais je savais que cela existait, d’ailleurs il y a une super initiative qui s’appelle «une grande école pourquoi pas moi» dans les lycées pour encourager les gens à tenter la prépa, parce que pour certains la prépa est vue comme quelque chose d’innaccessible, alors que pas du tout !

• Est ce que le fait d’être une femme vous a posé des difficultés que ce soit pendant vos études, au moment de la recherche d’un emploi ou au sein de votre travail ?

Non, au contraire. A l’X sur une promotion de 400 il y a environ 50 filles, mais il n’y a eu aucun problème de machisme, cela ne change rien qu’on soit une fille ou un garçon !

Après je ne sais pas si les jeunes filles de 14 ans le savent, mais il y a de nombreuses initiatives lancées par les entreprises du CAC 40 pour favoriser les femmes notamment les femmes ingénieurs.

Au niveau de l’embauche je ne sais pas trop, je saisque j’étais en compétition avec un étudiant de ma promo, je ne sais pas si j’ai été prise parce que j’étais vachement plus intelligente et vachement plus belle, ou parce que si j’étais une femme. Je crois pas que cela ait beaucoup joué pour cette embauche. Mais en revanche de nombreuses entreprises ont des programmes spéciaux pour que les femmes parviennent à rompre le «plafond de verre». Le plafond de verre peut être causé par des chefs masculins qui t’empêchent de monter, mais il est aussi causé par les femmes elles mêmes qui se disent qu’elles ne vont jamais y arriver.

Niveau travail avant j’avais des fonctions plutôt généraliste type financières, je n’avais alors aucun problème. Maintenant que je fais du terrain c’est parfois un peu plus compliqué, l’avantage ici en Argentine c’est que je suis expatriée, je suis française, je suis donc un peu «asexuée» ! Si j’avais été argentine cela peut être aurait été plus dure, car il y a des idées préconçues qui ont la peau dure ! Par exemple : les femmes sont tête en l’air !

Même si je suis à un poste où je n’ai pas de problème à ce niveau car c’est ma mission de faire bouger les choses, il y a parfois des blagues salaces en réunion et ce n’est pas toujours très agréable.

• Comment conciliez-vous votre vie professionnelle et personnelle ?

(interview commune Charlotte)

Je n’ai pas d’enfants mais on verra par la suite. Je pense que c’est une question d’organisation dans un couple. Lorsqu’un couple a un enfant il faut être présent le matin, le soir, mais cela s’équilibre entre les deux partenaires. Je n’ai pas envie de m’arrêter de travailler si j’ai des enfants, mais j’ai envie que les deux parents soient présents pour l’enfant. C’est sur que les entreprises peuvent être sceptiques pour les horaires, mais il va falloir s’organiser, on verra !

Je ne pense pas que le fait d’avoir des enfants va me freiner dans ma carrière.

Si certaines femmes s’arrêtent de travailler je pense que c’est par choix personnel. Ce qui ne serait pas du tout mon cas ! J’ai besoin de travailler pour un bon équilibre de vie.

Ce n’est peut être pas le cas dans les petites sociétés, mais dans les grands groupes de nombreux efforts sont faits pour s’orienter vers un modèle où hommes et femmes peuvent tout à fait vivre leur parentalité et leur vie professionnelle, des aménagements sont faits, il y a parfois des crèches dans l’entreprise. Bien sur ce n’est pas le niveau scandinave où les femmes peuvent alaiter au bureau :) Total est aussi en train de développer un aménagement qui permettrait de travailler ponctuellement depuis chez soi.

Je vous conseille de lire un article qui s’appelle «Why women can’t have it all ?»  («Pourquoi les femmes ne peuvent pas tout avoir?»), c’est écrit par une américaine brillante qui a laissé de laisser son super job pour s’occuper de ses enfants car un de ses ados commençait à déraper. Cet article a fait beaucoup de bruit car cette dame est très féministe, elle avait déjà écrit des articles du genre «comment tout bien faire ?», et elle a finalement fait le choix de s’occuper de ses enfants. Son mari a également fait le choix de se recentrer sur sa famille.

• Pourriez-vous nous expliquer un projet que vous avez développez dont vous êtes particulièrement fière ?

Ce n’est pas un projet professionnel, mais il y a un an et demi j’ai traversé l’Atlantique à la rame avec 3 copines, nous avons fait le parcours de Christophe Colomb, j’ai pris 3 mois de congés sans solde et nous sommes partis des canaris au large du Maroc pour arriver en face dans les Caraïbes, nous avons mis 64 jours.

Et 4 filles sur un bateau ça se passe super bien ! Car s’il y a une confrontation les femmes discutent, alors que les hommes se tapent dessus !

Nous étions en autonomie complète, sommes parties avec les panneaux solaires, les vivres etc. !

Partie 2 : La femme dans l’ingénierie

• Pensez-vous que les hommes et les femmes travaillent d’une manière différente pour un même résultat ?

L’exercice ingénierie est un exercice assez normé, donc homme ou femme cela ne changera rien à la manière de travailler.

Pour les modes de management, il se dit que les femmes sont plus dans la conciliation et les hommes dans le clash. Je me demande si cela n’est pas une idée reçu. Personnellement j’essaye de beaucoup communiquer, ce qui je pense pour le coup est un trait de caractère féminin, j’essaye de bien communiquer sur ce qui va se passer par exemple.

Les femmes mettent plus d’huile dans les rouages, par exemple en réunion parfois quelqu’un peut ne pas avoir compris quelque chose parce que cela a été mal verbalisé, les femmes font tout pour éviter cela.

Pour fédérer une équipe, il me semble important de bien communiquer sur les objectifs et les moyens mis en oeuvre, et le pourquoi de l’objectif. Un homme souvent ne communiquera que les objectifs.

Je suis une grande défenseuse de la diversité. Un mix s’équilibre très bien. Une équipe d’hommes seulement ne fonctionnera pas bien, une équipe de femmes seulement non plus.

• Pensez-vous que la mixité est quelque chose d’important dans une équipe de travail ?

Je pense que c’est très important, et que c’est plus productif parce ce qu’on se rend compte de nos différences. Ce qu’on dit là c’est quand même très culturel, il faut le regarder au travers de la loupe qu’est la France parce que c’est propre à chaque pays et également contextuel en terme temporel. Il n’y a pas que de l’inné dans la façon dont nous décrivons les hommes et les femmes aujourd’hui et leurs relations.

Vidéo

• Pouvez vous vous présenter ?

Bonjour je ‘appelle Catherine, j’ai 34 ans, je travaille pour Total en Argentine, s’il fait froid c’est parce que c’est l’autre bout bout de la terre, hémisphère sud, on est en plein mois de juillet. J’ai fait une école d’ingénieur : l’école Polytechnique en France.

• Quel message donneriez-vous aux jeunes filles pour se motiver à choisir des études d’ingénierie ?

Je voudrais leur dire qu’il faut y aller. Je suis sure qu’elles ne doivent pas bien savoir ce que c’est l’ingénierie, parce qu’on ne comprend pas pas très bien ce qu’on fait :) En fait c’est très drôle l’ingénierie, c’est concevoir des objets, ça peut être inventer un train, construire une plateforme pétrolière, construire que sais-je ! En fait c’est vraiment marrant, je vous conseille vraiment d’y aller, c’est sympa !

• Quelle est la plus grande difficulté à laquelle vous aviez dû faire face en tant que femme ingénieur ?

En tant que femme, alors moi je suis très très entourée d’hommes, des petits moments de solitude quand les hommes font des blagues sur les femmes quoi, mais pas plus que ça !

• Quelle est la plus grande satisfaction que vous ayez en tant que femme ingénieur ?

La plus grande satisfaction c’est de voir un projet avancer, d’être du côté de l’industrie, de ceux qui produisent. Il y a une vrai satisfaction à cette forme de création de richesse en fait quelque part. Et puis en tant que femme  je pense que les équipes mixtes travaillent assez bien, je suis souvent la seule femme dans l’équipe donc j’ai l’impression que je suis un peu la clé de voute en fin de compte :) Non, c’est pas vrai hein !!

• Quel est votre prochain challenge ?

Je vais attendre l’été là, au mois de décembre, pour aller monter le point culminant du continent américain, il est situé en Argentine et il culmine à 6990 m, donc c’est un petit 7000 quoi !